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La Bible est-elle "exacte" en matière d'histoire?


Sur le conseil de Georges Daras, j’ai découvert un auteur passionnant qui traite positivement des rapports entre Bible et Histoire. Cet auteur s’appelle J.L. Ska,  il est professeur d’Ancien Testament à L’Institut Biblique de Rome. Il a en particulier publié un petit ouvrage très accessible : Les énigmes du passé aux éditions Lessius.

Dans la préface, il pose très simplement et très clairement toute la difficulté de l’historicité du texte biblique pour le croyant du XXIème siècle,  bénéficiant des progrès de l’archéologie, de la science et de l’histoire.

« Un des thèmes traités est le lien entre les « histoires » de la Bible et l’ « histoire », comme la définit le monde scientifique moderne, c’est-à-dire le compte rendu des événements dont l’ »historicité » ou véracité peut-être établie sur la base de documents et de témoignages sûrs. L’histoire, en d’autres termes, prétend pouvoir décrire avec suffisamment d’exactitude « ce qui s’est vraiment passé ».

J.L. Ska souligne ensuite le fait que pour les chrétiens, le caractère historique de certains événements est tout à fait central pour la foi : la naissance virginale du Christ, sa résurrection, ses miracles…et c’est bien ce qui rend extrêmement sensible toute remise en cause de l’historicité d’un passage biblique, même de l’A.T.

« Le problème à traiter est délicat. En effet, d’un côté la théologie traditionnelle affirme que le Dieu de la Bible est un Dieu qui « agit dans l’histoire », contrairement aux divinités païennes qui appartiennent au monde imaginaire du mythe. Pour la théologie chrétienne, il est fondamental de pouvoir vérifier l’enracinement historique des affirmations de foi. Il apparait immédiatement qu’un dogme tel que celui de l’incarnation doit nécessairement être lié à une histoire concrète et vérifiable de quelque manière pour le croyant. Pour celui-ci, les affirmations centrales du Nouveau Testament sont fondées sur ce que les premiers témoins ont expérimenté, non sur des légendes, des spéculations ou des théories abstraites. « Celui que nous avons entendu, celui que nous avons vu de nos yeux, celui que nous avons contemplé et que nos mains ont touché…nous vous l’annonçons », comme dit le début de la première épître de Jean (1 Jean 1 :1). »

Jean Louis Ska souligne à juste titre que le lien nécessaire entre « histoire biblique » et « histoire » concerne aussi l’A.T., parce que l’histoire du salut de l’humanité est fondée sur le contenu des premiers chapitres dela Genèse.

« Pour l’A.T. le situation n’est pas tellement différente. Dieu se présente souvent comme « le Seigneur qui vous a fait sortir du pays d’Egypte » (cf Exode 20 :2). Si cette affirmation ne correspond à aucune réalité concrète, à aucun événement vérifiable d’une façon ou d’une autre, cela pourrait impliquer que la foi d’Israël est construite sur des sables mouvants. L’A.T., en effet, présente un Dieu qui guide son peuple dans tous les événements de son histoire, et non pas une divinité mythique qui vit hors du temps et de l’espace. Le lien entre foi et histoire est donc essentiel dans l’A.T. tout autant que dans le Nouveau. »

Jusqu’ici, je pense que les chrétiens de toutes les sensibilités seront d’accord.

Une fois que l’on s’est accordé sur le fait que ce lien entre histoire et foi est central, reste à définir sa nature exacte.

La communauté évangélique a choisi dans sa très vaste majorité de régler le problème de manière assez radicale. Elle a fait du caractère historique du texte biblique un corollaire obligé de son inspiration. Cette solution a le « mérite » de clore le débat. Puisque c’est inspiré, c’est historique (en respectant la diversité des genres littéraires bien entendu). Ainsi, l’archéologie et les études historiques ne pourront que venir renforcer ce dogme, jamais le remettre en question. Si une découverte contredisait le caractère historique d’un événement biblique, cette découverte serait obligatoirement l’aboutissement d’une démarche erronée. Il n’existe donc aucune recherche véritablement « indépendante » dans ce cadre.

Illustrons cette vision très « rassurante » des choses par quelques citations extraites d’ouvrages faisant référence dans les milieux évangéliques.

« La Bible n’est pas un manuel de science ou d’histoire ; mais si elle est verbalement inspirée, NOUS NOUS ATTENDONS alors à ce qu’elle parle de manière véridique à chaque fois qu’elle aborde ces sujets…

Les Ecritures sont inspirées et font autorité, mais elles sont aussi inerrantes et infaillibles…Elles sont inerrantes dans tout ce qu’elles affirment aussi bien dans les questions historiques et scientifiques que morales et doctrinales.» (H C Thiessen, Esquisse de théologie Biblique, ma mise en majuscule pour souligner qu’il s’agit bien d’une extrapolation)

« L’inerrance porte sur l’ensemble du message biblique, dans les limites précisées ci-dessus, et non seulement sur ce qui touche « à la foi et à la morale ». Sinon, ne devrait-on pas admettre que l’Ecriture est faillible dans les autres domaines ? Prenons l’exemple de l’histoire : Dieu est intervenu ici-bas ; son plan de rédemption passe par l’incarnation, il s’accomplit par des faits historique précis. Si la Bible se trompe sur ces faits, sur quoi reposerait notre foi ? » René Pache, l’inspiration et l’autorité de la Bible

Cette citation est particulièrement parlante, on est véritablement dans une logique de tout ou rien.

Citons pour finir Henri Blocher dans La Bible au microscope

« Le champ de l’inerrance n’est pas restreint à la foi et aux mœurs. Un historien inspiré ne peut avoir utilisé des sources partiellement erronées sans corriger ce qu’il en tirait. »

Ces positions « évangéliques traditionnelles » posent pourtant des difficultés insurmontables à la lecture de Genèse 1-11 en particulier. Sur leur base, il faudrait considérer que le déluge a été universel, que toute l’humanité est issue de Noé et de sa famille, que les langues des hommes sont nées miraculeusement au pied de la tour de Babel, que les généalogies de Genèse 5 et 10 sont rigoureuses, les grands âges aussi…C’est impossible  à accepter avec les informations dont nous disposons aujourd’hui.

Alors sommes –nous condamnés au scepticisme et au relativisme le plus complet ? Je ne le crois pas, et c’est pourquoi j’aimerais citer à nouveau J.L. Ska.

« Dès lors, faut-il défendre la position habituelle et affirmer « l’historicité » fondamentale des récits bibliques ? Ou bien faut-il abandonner des positions quelque peu rétrogrades pour se livrer à une critique effrénée de toute l’ »histoire biblique » qui n’aurait rien d’ »historique » ou presque ?

Comme il se doit, une position équilibrée évite les extrêmes. »

La situation réelle est donc moins confortable, moins rassurante que ce que l’innerance historique prétend, mais elle n’est pas désespérée !


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