Article 5 sur un total de 12 pour la série :
La terre n'a pas 6000 ans, et alors? ♥♥♥
Présentation de l’auteur
Antoine Bret est Professeur à l’Université Castilla-La Mancha, en Espagne. Ses recherches portent sur la physique des plasmas, avec applications en fusion thermonucléaire inertielle ou en astrophysique. Il a aussi été « Visiting Scholar » au département d’astrophysique de l’Université de Harvard en 2012. Ingénieur Supélec et docteur en physique de l’Université d’Orsay, il est auteur ou co-auteur de plus de 80 articles dans des revues à comité de lecture. Il a aussi été pasteur d’une église évangélique à Madrid. Il est l’auteur de « The world is not 6000 years old. So what?” – Sous presse chez Wipf&Stock, ouvrage dans lequel il traite de la question de l’âge de l’univers. Découvrez en davantage sur antoinebret.com.
Les journaux à comité de lecture (2/2)
Puisque la communauté scientifique est en fin de compte son propre juge pour ce qui doit se publier dans les revues à comité de lecture, pourrait-on la soupçonner de bloquer ce qui ne lui plait pas ? Evidemment, même en science, il y a des modes. Mais je voudrais ici citer quelques exemples qui montrent que cette communauté accepte tout à fait de se laisser déranger et qu’une nouvelle théorie (par exemple), si « folle » soit-elle, peut toujours être débattue si tant est qu’elle repose sur la logique et/ou l’observation.
Mon premier exemple est celui de ces neutrinos qu’on pensait aller plus vite que la lumière[1]. En 2011, des physiciens prétendirent avoir observé des particules nommées neutrinos aller plus vite que la lumière. S’il y a bien une idée capable de scandaliser les physiciens, c’est celle-là. En effet, selon la Relativité Restreinte d’Einstein, testée et re-testée avec succès depuis plus de 100 ans, rien de ce qui a une masse ne peut aller à la vitesse de la lumière. Alors plus vite… imaginez ! La communauté scientifique se mit elle à rire de ces pauvres ignorants, s’assurant que ce débat resterait à jamais loin des journaux à comité de lecture ? Pas du tout. Une vingtaine d’articles furent publiés sur ce sujet et ces journaux n’eurent aucunement l’impression de se souiller en publiant sur ce thème. Pourquoi ? Parce qu’il était évident que les gens qui avaient fait ces mesures n’avait pas fait n’importe quoi, et que ça valait tout à fait la peine d’y regarder de plus près. Il était aussi évident pour tout le monde que s’il existe un conflit entre une théorie et une observation, vous ne pouvez changer que la première. Une erreur de mesure fut finalement découverte, de sorte que les véloces neutrinos allaient moins vite que la lumière. Mais dans l’intervalle, le « scandale » n’a pas du tout été censuré ou étouffé par les journaux scientifiques.
Autre exemple, du côté des mathématiques cette fois. En 2003, le mathématicien russe Grigori Perelman a démontré la « Conjecture de Poincaré »[2]. Il n’a même pas envoyé sa démonstration à un journal à comité de lecture. Il l’a en fait mise sur le site internet « arXiv.org », que les scientifiques ont coutume d’employer pour diffuser leurs résultats, mais où les contributions de sont pas validées par des experts. Comment les mathématiciens réagirent-ils ? Décidèrent-ils que cela ne valait rien, puisque Perelman n’avait pas suivi le circuit habituel ? Pas du tout. Beaucoup lurent son travail, et ceux qui étaient à même de la comprendre conclurent que sa démonstration était tout à fait valide. Comme l’énigme était de taille, les matheux décernèrent la Médaille Fields[3] à Perelman, qu’il refusa.
L’exemple de Perelman est assez isolé. Mais il montre que la communauté scientifique est tout à fait capable d’accueillir une trouvaille, indépendamment de son mode de transmission. Le mode de transmission le plus habituel demeure néanmoins les journaux à comité de lecture, et l’on a également vu comment une nouvelle, si sensationnelle soit-elle, peut tout à fait s’y trouver débattue, pour peu qu’on le fasse avec rigueur et bonne foi.
Nous avons donc un moyen de juger du sérieux d’une information scientifique trop élaborée pour que nous puissions la debugger nous-même. A-t-elle été soumise à l’examen d’experts ? A-t-elle été publiée dans une revue à comité de lecture ? Si la réponse est « non » dans tous les cas, il est probable qu’elle ne tienne pas la route. Pas parce qu’elle est politiquement incorrecte, ou parce que « on nous cache tout, on nous dit rien ». Mais tout simplement parce qu’elle est entachées d’erreurs qu’un professionnel dénicherait facilement.
Comment donc savoir si untel est un scientifique sérieux dont les travaux résistent à l’examen des experts, ou un fanfaron qui préfère ne parler de sa théorie qu’à des gens qui ne la comprennent pas ? Il existe une base de données gratuite sur le web qui recense toutes les publications à comité de lecture en physique et en astrophysique. Il s’agit du site NASA ADS http://adsabs.harvard.edu/abstract_service.html maintenu par la NASA et l’Université de Harvard. Cliquez sur « Astronomy and Astrophysics Search », tapez « Kovac, JM » comme indiqué sur l’image ci-dessous, et vous aurez accès à toutes les publications relatives à la découverte de ces fameuses ondes gravitationnelles de l’inflation. Je vous laisse jouer…
[2] Que je suis bien incapable d’expliquer. Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Conjecture_de_Poincar%C3%A9.
[3] La plus prestigieuse récompense pour un mathématicien.
12 Articles pour la série :
La terre n'a pas 6000 ans, et alors? ♥♥♥
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- Peut-on se fier aux publications scientifiques? (2/2)
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