J’ai été très heureux de participer au colloque Dieu au risque de La science avec Thierry Magnin en octobre 2002 au collège des Bernardins.

Si le sujet des neurosciences en relation avec la théologie ou plus simplement la vie quotidienne vous intéresse, suivez cette interview accordée à la chaîne YT du Jour du Seigneur.

Thierry Magnin est prêtre catholique, docteur en Physique et en Théologie, Fondateur de la chaire sciences, technosciences et foi à l’heure de l’écologie intégrale à l’Institut catholique de Lille.

Thèmes abordés et moments clés dans cette vidéo

INTRODUCTION

Présentation de Thierry Magnin | 0:22

Son parcours académique scientifique et théologique , ses principales publications dont son dernier ouvrage Foi et neurosciences, Dialogue sur l’homme vivant (ed. Salvator).

La place de l’homme de l’univers | 1:52

L’intérêt du dialogue science et théologie | 2:57

LE RÉEL INATEIGNABLE

La complexité du vivant | 4:12

Dans les sciences modernes, on est passé du « comprendre pour faire » au « faire pour comprendre » et depuis les simulations numériques des années 2000, la pratique scientifique en est arrivée à « prévoir pour faire sans vraiment tout comprendre ». Cela nous interroge bien entendu sur notre rapport au réel au niveau de nos sociétés, en tant qu’individu et aussi comme croyant.

L’incomplétude en science | 6:57

« Le réel en soi est inatteignable par les sciences ». Il ne s’agit pas de croire qu’à force de temps ou de moyens technologiques plus sophistiqués nous pourrions combler un jour ce fossé. Le réel que l’on analyse par les moyens à notre disposition est un « réel d’interaction » et il faut prendre en considération que l’observateur lui-même que nous sommes fait partie intégrante du monde qu’il observe et cherche à connaître sans pouvoir s’en extraire. Quelque chose échappera toujours dans notre recherche du réel qui est au delà de ce que nous pouvons en dire, cette condition d’incomplétude n’est pas sans relation avec celle du théologien face au mystère de Dieu.

incomplétude et transcendance | 8:01

Le fait que quelque chose échappe toujours au scientifique agit comme un moteur pour poursuivre la recherche et évite de s’approprier ce que l’on découvre. On peut faire le parallèle dans le domaine de la foi ou de la théologie où s’approprier une image de Dieu ne mènera nul part ailleurs qu’au totalitarisme religieux.
Définition du mystère selon le philosophe Gabriel Marcel : le mystère est un problème dont je fais moi-même partie. Du fait que le scientifique n’a pas le dernier mot sur ce qu’il découvre, cela ouvre au dialogue avec les autres disciplines : philosophie, théologie, psychologie, art, etc..

L’humilité comme posture | 9:35

L’humilité est une posture à adopter en religion comme en science. Distinguer les démarches, ne pas les mélanger. Danger du concordisme qui consiste à amalgamer des questions scientifiques et théologiques ou philosophiques. Les approches scientifiques, théologiques philosophiques sont différentes par leurs objets et leur langage, mais peuvent s’articuler entre elles. Ex les questions que la science pose sur le sens auront leur réponses grâce à l’éthique, la philosophie, la théologie.

Articuler les notions de création et d’évolution.

Une anthologie tripartite | 11:31

Déjà chez Irénée de Lyon il y a cette notion « d’intrication » (terme grec) entre la chair (le corps), l’âme (affects, intellect, volonté..) et l’esprit (domaine du spirituel). Après une anthropologie dualiste corps / âme qui a régné en maître en occident, on revient aujourd’hui sur cette anthropologie tripartite qui a toujours été chère à la tradition orthodoxe.

Une théologie apophatique | 13:20

C’est une posture théologique qui parle de Dieu comme mystère absolu et qui commence par dire ce que Dieu n’est pas pour clarifier notre propre langage à son égard. On se situe aussi dans une approche de l’incomplétude devant le mystère de Dieu, mais l’objet de la recherche – Dieu – se fait connaitre dans l’expérience de la relation liée à cette recherche.

ROBUSTE ET VULNERABLE

La vulnérabilité comme posture scientifique | 14:32

En Biologie on sait désormais que pour qu’un vivant soit « en pleine forme » il doit être à la fois robuste et vulnérable. Il doit à la fois résister à différentes agressions et se laisser modifier par son environnement. L’épigénétique est la compréhension de la manière dont l’environnement agit sur les gènes pour les modifier et donc changer les êtres vivants de l’intérieur. Penser le vivant sous le seul angle de la robustesse serait passer à côte de l’importance du rôle que joue la vulnérabilité dans la complexité du vivant.

l’humain est-il menacé par les machines ? | 16:30

Les performances des machines dans la simulation et le calcul numérique peuvent s’avérer être des alliés précieux pour améliorer le bien être et la santé des humains comme pour la détection précoce des cancers par exemple grâce à l’analyse fine d’imageries médicales. Ceci dit, les progrès fulgurant du deap Learning (apprentissage profond) et les recherches vers la simulation d’une conscience engendrent des confusions qui doivent nous alerter sur la préservation de la liberté humaine.

ÉTHIQUE ET SCIENCES

La fascination du scientifique | 19:14

Le risque d’idolâtrer la science au travers du prime des nouvelles technologies. Voir par exemple les robots humanoïdes, on cherche à humaniser les robots alors que de l’autre côté, « on machinise » l’homme. Faire la différence entre simuler une conscience et éprouver une conscience. D’où l’importance d’enseigner l’éthique dans les écoles d’ingénieurs et les lieux de production et de développements des nouvelles technologies.

TM adopte la définition de l’éthique que donne le philosophe Paul Ricoeur et qui se différencie de la morale en mettant l’accent sur un mouvement permanent pour une vie bonne en s’articulant autour des pôles personnel et sociétal.

Progresser dans l’interdisciplinarité | 22:01

La question du sens se pose toujours, en tout temps et pour tous. Pour le scientifique également. Ex de question où la pensée chrétienne peut s’inviter utilement dans la réflexion :

  • Qu’est ce que ça veut dire contribuer au bien commun par son métier ?
  • Qu’entendons-nous et quelles implications quand nous parlons de « sauvegarder la maison commune » ?
  • Les avancées technologiques sont-elles la réponses à tous les problèmes de l’humanité ou puis-je aussi contribuer par un changement de mes propres comportements ?

PROGRAMMÉS POUR APPRENDRE

Le cerveau et la question du sens | 24:31

Les neurosciences abordent aujourd’hui des notions comme la conscience qui étaient autrefois les domaines réservés de la théologie et de la philosophie. TM cite l’auteur et professeur de neurologie Antonio Damasio qui lie les émotions à nos idées et développement des cultures humaines. Emotions, raison, conscience, cultures sont intimement liées et composent une interface complexe dédiée à l’apprentissage et à la quête du sens.

Nos relations exercent également une influence sur le développement de notre cerveau.

De l’importance du corps | 28:07

La différence entre l’homme et la machine : une machine avec ses capteurs a des rapports avec le monde extérieur, nous en tant qu’être humain dans un corps avons des relations, c’est très différent. Le vivant est un tissu de relations, les traditions philosophiques et chrétiennes l’affirmaient déjà, Les neuroscience le découvre aujourd’hui.

Décider, le propre de l’homme ? | 29:38

La liberté absolue de décider reste une illusion. Nous sommes influencés par de nombreux facteurs mêmes inconscients. D’après TM il existe cependant des pistes possibles pour déjouer nos biais cognitifs, nos peurs et stéréotypes et retrouver notre capacité à décider si toutefois nous acceptons de nous considérer comme autre chose qu’une machine. Il propose une alliance entre le discernement spirituel qu’offre l’approche chrétienne en dialogue avec la psychologie et les découvertes des neurosciences.

Cela passe par une reconnaissance de la dimension tripartite de l’humain évoquée plus haut et une écoute également sur le terrain de l’esprit. L’alliance du Bios (en grec la vie biologique) et de la zoe (la vie divine ou éternelle) est très utile pour le discernement personnel et collectif.

UN MONDE INACHEVÉ

L’homme co-créateur avec Dieu ? | 32:32

Dieu a donné accès à l’homme à l’atelier de la création divine

Basile de Césarée (Père de l’Eglise IVe s.)

L’homme ne crée pas comme Dieu (à partir de rien), mais Dieu le rend participant à sa création dans un monde qui lui est confié et inachevé. Il n’est pas question d’essayer de rendre ce monde parfait comme on pourrait tenter de le faire avec toujours plus de technologie, mais plutôt de l’accomplir dans l’amour.

Ceci implique de se mettre au service du bien commun et en particulier au service des plus démunis. C’est donc une question essentielle pour le technoscientifique d’aujourd’hui : est-ce que les développements que nous réalisons permettent d’apporter plus d’humanité aux personnes les plus démunies ?

Une science au service de plus de qualité de vie pour le plus grand nombre, qui n’est pas obsédée par la poursuite de la performance à tout prix, ni autocentrée sur elle-même permet d’entrevoir la vision de l’homme co-créateur.