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Le ciel c'est où ?


Évolution ET création

En ayant lu les pages qui précèdent, on aura compris qu’il est aujourd’hui possible, pour un chrétien attaché aux Écritures, d’être évolutionniste sur le plan scientifique et créationniste sur le plan de la foi. Créationniste, parce que convaincu que Dieu est à l’origine de toutes choses sur la Terre et dans tout l’Univers. Évolutionniste, parce qu’il appartient à la science de nous dire quand et comment notre Univers s’est mis en place. Tout ce que les diverses disciplines scientifiques peuvent découvrir ne peut donc que glorifier le divin concepteur ou programmateur qui se cache derrière cette incroyable complexité.

La foi au Dieu créateur

Depuis le néant supposé – ou la dimension inconnue – qui a précédé l’émergence de notre Univers spatiotemporel, nous croyons donc qu’en tant que Créateur, « Dieu dit »… et la chose est ! D’ailleurs, c’est ce que nous raconte la Genèse pour les six jours de la création divine… Mais sans nous contraindre à une lecture littérale, et sans nous préciser dans quel langage fut formulée la Parole créatrice de Dieu. L’hébreu n’existant pas encore avant l’élection des patriarches d’Israël, ce langage pouvait très bien être mathématique, physique, chimique, biologique ou autre. D’autant plus, ces premières paroles de Dieu furent nécessairement exprimées en pensée, puisqu’en l’absence d’atmosphère, aucun son ne peut être émis ou se propager. Débattre de la langue utilisée par le Créateur n’a donc aucun sens et relève de discussions aussi vaines que stériles.

Le Logos, verbe créateur

Par contre, l’incarnation du Verbe créateur dans le Logos demeure le centre de notre foi chrétienne. Il ne faut donc pas s’étonner de voir ce point attester dans le prologue de l’Évangile johannique.

Au commencement était la Parole (grec « Logos »), et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Tout a été fait par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.

Jean 1.1-3

Mais d’où vient cet usage particulier que Jean fait du mot grec « Logos » ? Dans la pensée grecque classique, le logos est souvent assimilé à la raison. Dès lors, dans la philosophie platonicienne, le logos est considéré comme la raison qui porte le monde, comme si le logos contenait en lui tous les concepts éternels, les archétypes de tout ce qui existe.

Dans le Judaïsme, et notamment dans les targums – les traductions libres de l’Ancien Testament en araméen –, Dieu n’agit jamais sans son Logos, parce que son Logos n’est autre que lui-même. Ainsi, le Logos se présente comme la Parole agissante de Dieu Dieu dit et la chose est ! – ; comme son Verbe créateur, car dans une phrase, c’est le verbe qui fait l’action. Voici un aperçu de ces traductions araméennes :

Il apparut devant le Seigneur que la lumière était bonne, et le Logos du Seigneur divisa la lumière des ténèbres. » (Genèse 1.4) « C’est moi qui ai créé la terre par mon Logos et y ai établi l’homme. » (Ésaïe 45.12). « Par mon Logos j’ai créé les fondements de la terre. » (Ésaïe 48.13) « C’est par mon Logos que tout a été créé. 

Psaumes 33.9

Dans le Christianisme, Jean reprend l’idée du Logos Verbe créateur, puisque « Tout a été fait par Lui, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans Lui. » Mais Jean va aussi plus loin en assimilant le Logos au nom divin de Dieu dans l’Ancien Testament : « YHWH ». Dès lors, le Logos est la manifestation même de Dieu en même temps qu’il en est le principe premier – l’hypostase divine – : « Au commencement était le Logos, et le Logos était avec Dieu, et le Logos était Dieu. »

Le Logos de Dieu, Parole adressée aux Hommes

Dans son Dictionnaire Jésus, l’École biblique de Jérusalem, fait remarquer, avec beaucoup de pertinence que, sous la plume de l’évangéliste Luc, l’expression « Parole de Dieu » pourrait souvent être traduite par « Logos ».

Ainsi Luc parle au début de son Évangile des « serviteurs du Logos. » (1.2). De même on pourrait traduire 5.1 en « Il advint, comme la foule se serrait pour écouter le Logos de Dieu, qu’il se tenait lui-même sur le bord du lac de Génésareth. » On pourrait également citer : « L’effroi les saisit tous, et ils s’entretenaient entre eux, en disant : Qui est ce Logos pour commander avec autorité et puissance aux esprits impurs, et ils sortent? » (4.36). Ou encore : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent le Logos de Dieu et le mettent en pratique. » (8.21) ; « Ceux qui sont sur le roc sont ceux qui lorsqu’ils l’ont entendu, avec joie, accueillent le Logos. » (8.13) ; « Heureux ceux qui écoutent le Logos de Dieu et le mettent en pratique. » (11.28). Dans les Actes des Apôtres de Luc, on retrouve aussi par deux fois le Logos. D’abord dans un discours de Pierre : « Le Logos que Dieu a envoyé aux fils d’Israël pour qu’il proclame l’Évangile de la paix par Jésus-Christ, c’est lui qui est le Seigneur de tout. » (10.36). Ensuite dans un discours de Paul : « Vous qui craignez Dieu, C’est à nous que le Logos du salut a été dépêché. Lui que les habitants de Jérusalem et leurs chefs ont ignoré. En le condamnant, ils ont accompli les paroles des prophètes. » (13.26-27) Bref, le Logos se présente chez Luc comme l’envoyé personnel de Dieu de manière analogue à la présentation du Logos dans le Targoum. »[1]


[1] Dictionnaire Jésus, École biblique de Jérusalem, Paris, Laffont, 2021, p. 575-577. (C’est moi qui souligne en gras.)


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