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Le ciel c'est où ?


Depuis que les psychologues se sont emparés du sujet, il semble que l’on n’ait jamais autant parlé du pardon, écrit sur le pardon, glosé sur le pardon : le pardon que l’on reçoit, le pardon que l’on accorde, le pardon que l’on s’accorde… Mais conjointement à cette mode, au demeurant fort opportune, on n’a jamais autant accusé le Christianisme d’entretenir la culpabilité des croyants en les endoctrinant avec le besoin que Dieu pardonne leurs péchés. Ainsi, en psychologie, il serait indispensable de débusquer la culpabilité dans l’âme humaine, pour en dénoncer les effets dévastateurs et mieux démontrer l’action libératrice du pardon. Par contre, quand il s’agit des rapports entre Dieu et l’humanité, la même démarche serait aussi déplacée que culpabilisatrice et toxique. « Bizarre !… Vous avez dit bizarre ?… Comme c’est bizarre ! »[1]

Mais un athée ou un agnostique ne se laissera pas si vite troubler par une petite faille dans son raisonnement. Soucieux de se montrer logique, il opposera sans doute une nouvelle objection à son interlocuteur chrétien : « Comment peut-on offenser quelqu’un qui n’existe pas ? Ou du moins, de quelqu’un dont je n’ai aucune preuve tangible de l’existence. » Je répondrais sans doute en évoquant d’abord un souvenir personnel. Alors que nous atteignions le sommet du mont Carlit, après avoir crapahuté sur ses pentes la moitié de la journée, notre guide, que je savais athée, me dit, admirant la chaîne des Pyrénées qui s’étendait jusqu’à l’horizon, séparant la France et l’Espagne : « L’homme est tout de même peu de chose au regard d‘une telle splendeur ! »

Contemplant les éclairs qui zébraient le ciel les soirs d’orage, l’homme de Cro-Magnon devait se dire à peu près la même chose. Certes, il n’avait pas encore lu Paul affirmant qu’il serait inexcusable de ne pas chercher à connaître l’auteur d’une si merveilleuse puissance. N’ayant pas de montre, il ne pouvait pas davantage se demander, avec Voltaire, qui pouvait bien être l’extraordinaire horloger qui gérait si bien le mouvement des astres. Et ne connaissant que le troc, il n’avait pas de monnaie en poche pour jouer le pari de Pascal à pile ou face. Toutefois, son potentiel cérébral étant comparable au nôtre, il semble qu’il se soit dit qu’il serait sage de ne pas déplaire à un Être suprême manifestant autant de puissance… et peut-être même utile de se concilier ses faveurs par quelque offrande choisie avec soin.

Hélas ! Cette prudente sagesse semble aujourd’hui oubliée par la plupart de nos contemporains ; et cela, même au sein du monde scientifique qui, pourtant, compte plus d’agnostiques que de véritables athées. En effet, plus l’être humain sonde les mystères de l’Univers et de la vie, plus il se dit qu’il doit bien y avoir une intelligence supérieure derrière une telle complexité. Mais comme une telle intelligence échappe à toute démonstration rationnelle, il est impossible d’avoir la certitude qu’elle existe.

Si bien que nous voici revenus au point de départ de ce qui parait relever d’un raisonnement cohérent, mais qui, sous son apparence logique, pourrait n’être qu’un sophisme. Car si cette intelligence supérieure existe, elle ne peut qu’être antérieure au Big Bang, et donc extérieure à notre Univers. Et comme les sciences ne peuvent qu’étudier ce qui appartient à notre Univers spatiotemporel, cette super-intelligence, échappera toujours à toute démonstration scientifique. Dès lors, le seul espoir de la connaître, c’est qu’elle-même se manifeste à nous… Dès lors, nous voici confrontés à ce mot honni de l’homme moderne : « révélation » ! « Tout ce que vous voulez, mais pas cela, nous dit-on aujourd’hui, nous avons assez donné à tous les intégrismes religieux, qui prétendent tous être les détenteurs de l’ultime vérité. »

Une attitude aussi désabusée ne manque pas d’arguments, il est vrai ; mais faut-il s’y cloîtrer en refusant de faire le tri ? Car on pourrait tout aussi bien se demander si ce rationaliste moderne, souvent amateur de « fake news », est le mieux placé pour dénigrer le concept de révélation. Celui qui croit aux ovnis et donc aux visiteurs venus d’ailleurs ou – hypothèse la plus récente – d’une autre dimension, pourquoi refuse-t-il catégoriquement de se joindre à Zacharie pour dire :

Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, de ce qu’il a visité et racheté son peuple, et nous a procuré une pleine délivrance… »

Luc 1.68-69

Pourtant, ici aussi, il est question d’un visiteur venu d’une autre dimension.

Il est même venu la main tendue, pour réconcilier le monde terrestre avec le monde céleste.

Il a plu à Dieu de faire habiter en Christ toute plénitude, et de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix.

Colossiens 1.19-2

« Mais de quelle faute parlez-vous ? » redemandera l’incroyant qui ne voit pas en quoi il aurait pu offenser ce Dieu hypothétique. Osons une image. Quand deux dirigeants de haut rang se rencontrent pour un accord de paix et que l’un ignore ostensiblement la main que l’autre lui tend, on comprend que l’offense est à la mesure de l’humiliation subie et que la rupture soit inéluctable.

Or, Jésus-Christ est cette main que Dieu tend à l’humanité.

Car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, sans tenir compte aux hommes de leurs fautes, et il a mis en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc ambassadeurs pour Christ, comme si Dieu exhortait par nous ; nous vous en supplions au nom de Christ : Soyez réconciliés avec Dieu !

2 Corinthiens 5.19-20

Ignorer le message que Jésus est venu apporter à l’humanité, c’est donc ignorer la main que Dieu lui tend. Et pourtant, Dieu, non seulement ne retire pas cette main tendue, mais en plus, il charge ceux qui sont déjà réconciliés avec lui d’être ses ambassadeurs auprès de ceux qui l’ignorent encore.

J’ai mainte fois remarqué que les témoignages que mon épouse partage, à propos de sa relation avec le Christ, reçoivent souvent un accueil beaucoup plus favorable que mes explications doctrinales sur le même sujet. En y réfléchissant, l’explication m’est apparue dans son évidente simplicité. Comme n’importe quelle opinion, une doctrine, cela peut se discuter à l’infini, aussi cohérente soit-elle. Par contre, aussi subjectif soit-il, un témoignage ne se discute pas. Car, en racontant ce qu’elle a expérimenté, soit la personne ment, soit elle dit la vérité. Et si on ne la croit pas, on la traite indirectement de menteuse : une attitude plus délicate que de discuter d’une doctrine. Il n’est donc pas étonnant que Jésus nous demande d’être ses témoins :

Vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins […] jusqu’aux extrémités de la terre.

Actes 1.8

Au tribunal, le juge demandera au témoin qui essaye d’expliquer les faits : « Je ne vous demande pas d’interpréter les faits, mais de me dire ce que vous avez vu et entendu, c’est tout ! » Il en va de même pour les témoins du Christ. La force de leur témoignage ne réside pas dans les commentaires qu’ils sont souvent tentés d’ajouter – et qui deviennent source de discussions –, mais dans la conviction apportée à témoigner des bouleversements personnels engendrés par l’expérience spirituelle qu »ils ont vécue. Si beaucoup d’incrédules sont prêts à accepter le récit d’une expérience de vie dont ils ne comprennent pas les tenants et les aboutissants, ils ne manqueront jamais d’argumenter à propos des explications pseudorationnelles que l’on pourrait leur en donner ? En fait, on ne peut simplement pas donner à manger à quelqu’un qui n’a pas faim : la doctrine vient après, en réponse aux questions posées.

C’est pourquoi, aussi longtemps que l’on peut dire ‘aujourd’hui’, qu’aucun de vous n’endurcisse son cœur par la séduction du péché. Car vous avez eu part au Christ… 

Hébreux 3.14

La foi chrétienne, en effet, s’inscrit très mal dans une religion avec ses traditions ; elle est bien plus qu’une doctrine à mettre en pratique ; elle s’exprime pleinement dans la communion avec la personne et l’œuvre de Jésus-Christ – Dieu avec nous – et présent en nous par son Esprit Saint.

Mais vous, vous ne vivez pas selon la logique humaine ; vous vivez selon l’Esprit saint, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous ! La personne qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Si le Christ est en vous, votre corps reste tout de même destiné à la mort à cause du péché, mais le souffle de l’Esprit est vie en vous, parce que vous avez été rendus justes devant Dieu. 

Romains 8.9-10

Certes, un chrétien reste aussi humain que n’importe qui, si ce n’est qu’il a la possibilité d’échapper à la dictature des instincts et des pulsions qui l’empêchent d’exprimer pleinement la dimension éthique et spirituelle qui est en lui. Ce potentiel qu’ont les chrétiens de vivre autrement, en gardant les pieds sur Terre, tout en ayant déjà la tête au Ciel, est pour eux l’assurance que celui-ci existe vraiment !


[1] Célèbre réplique de Louis Jouvet, dans le film de Marcel Carné, « Drôle de drame ».


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