Article 7 sur un total de 8 pour la série :

Le ciel c'est où ?


Notre réflexion s’était arrêtée sur notre incapacité à concevoir le Dieu biblique et du mystère renforcé par son Nom dans la tradition hébraïque.

Mais la Bonne Nouvelle – ou l’Évangile –, c’est que ce Dieu inconnaissable s’est rendu accessible aux croyants en prenant forme humaine en Jésus-Christ, pleinement Dieu et pleinement homme. Ce Dieu lointain et inaccessible, de par sa dimension extratemporelle, est donc entré dans la dimension spatiotemporelle de notre univers et nous devient à la fois proche et accessible en Jésus-Christ, aussi appelé « Emmanuel ».

Voici que la vierge sera enceinte ; elle enfantera un fils, et on lui donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu avec nous. 

Matthieu 1.23

Certes, parler de temporalité et d’extratemporalité, c’est faire usage de concepts inhabituels dans le domaine religieux, et cela pourrait déplaire.

Cependant, bien que modernes, ces notions n’étaient pas ignorées des premiers chrétiens ; si ce n’est que, sous l’inspiration du Saint-Esprit, ils les ont exprimées dans le langage de leur époque, en parlant plutôt de la corporalité ou de la corruptibilité du monde terrestre, et de la spiritualité ou de l’incorruptibilité du monde céleste.

Ainsi en est-il de la résurrection des morts. Semé corruptible, on ressuscite incorruptible. […] Semé corps naturel, on ressuscite corps spirituel. S’il y a un corps naturel, il y a aussi un corps spirituel. […] Le premier homme tiré de la terre est terrestre. Le deuxième homme vient du ciel. Tel est le terrestre, tels sont aussi les terrestres ; et tel est le céleste, tels sont aussi les célestes. […] Ce que je dis, frères, c’est que la chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu, et que la corruption n’hérite pas l’incorruptibilité.

1 Corinthiens 15.42-50, (extraits)

L’Apocalypse nous parle aussi de cette incarnation de Dieu dans notre humanité, c’est-à-dire cette entrée du céleste dans le terrestre, ou encore, de la venue d’un Être extérieur à l’espace-temps dans notre dimension spatiotemporelle. Cet évènement s’y trouve exprimé à trois reprises :

Voici, il vient avec les nuées. Et tout œil le verra, même ceux qui l’ont percé ; et toutes les tribus de la terre se lamenteront à cause de lui. Oui. Amen ! Je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, celui qui est, qui était, et qui vient, le Tout-Puissant. 

Apocalypse 1.7-8

 Celui qui était assis sur le trône dit : Voici, je fais toutes choses nouvelles. Et il dit: Écris ; car ces paroles sont certaines et véritables. Et il me dit : C’est fait ! Je suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin. À celui qui a soif je donnerai de la source de l’eau de la vie, gratuitement.

Apocalypse 21.5-6

 Voici, je viens bientôt, et ma rétribution est avec moi, pour rendre à chacun selon ce qu’est son œuvre. Je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin d’avoir droit à l’arbre de vie, et d’entrer par les portes dans la ville ! 

Apocalypse 22.12-14

Ces textes sont particulièrement significatifs de la double nature du Christ. En effet, dans le langage biblique, l’expression « le Tout-Puissant » désigne Dieu lui-même. De même, l’expression « Celui qui est, qui était, et qui vient » est une façon d’exprimer en grec le nom divin révélé à Moïse, lors de l’épisode du buisson ardent. Car en hébreu, ce nom divin revêt la forme d’un présent absolu : « YaHWeH », « Il est »… Sous-entendu : « Il est aujourd’hui, ce qu’Il était hier et ce qu’Il sera demain ». En grec comme en français, il n’est pas possible de formuler cette triple réalité en un seul mot. Comme on l’a dit, optant pour une approximation, certains traducteurs ont voulu l’exprimer en appelant Dieu « l’Éternel ».

Notons toutefois que dans son Apocalypse, Jean n’écrit pas « Celui qui est, qui était et qui sera », mais « Celui qui est, qui était et qui vient ». En remplaçant « il sera » par « il vient », Jean confirme la volonté du Seigneur de revenir dans l’Univers terrestre, bien qu’il n’ait jamais cessé d’être « Dieu avec nous ». D’ailleurs les autres noms donnés au Seigneur rappellent que son existence terrestre n’est pas nouvelle. Comme on le sait, « Je suis l’alpha et l’oméga » fait référence à la première et la dernière lettre de l’alphabet grec, celles qui encadrent toutes les autres lettres. De la même façon, le Christ Jésus englobe en sa personne l’ensemble de l’humanité rachetée ; ce que Paul exprime en d’autres mots :

 Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Christ-Jésus, qui marchent non selon la chair, mais selon l’Esprit. »

Romains 8.1

Quant aux expressions « Je suis le premier et le dernier, le commencement et la fin. », elles confirment cette notion de temporalité en rappelant l’entrée de Dieu dans l’espace-temps qu’il a créé, autrement dit, son incarnation dans la création. Cette réalité, Jésus l’avait déjà attesté dans une affirmation jugée blasphématoire par ses contemporains :

Jésus leur dit : Vous êtes d’en bas ; moi, je suis d’en haut. Vous êtes de ce monde, moi, je ne suis pas de ce monde. C’est pourquoi je vous ai dit que vous mourrez dans vos péchés ; car si vous ne croyez pas que ‘JE SUIS’, vous mourrez dans vos péchés. […] En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham existât, ‘Je Suis’ [grec « ego eimi »]. Là-dessus, ils prirent des pierres pour les lui jeter ; mais Jésus se cacha, et sortit du temple. 


Jean 8.23-24,58-59

Pour des Juifs, entendre l’homme Jésus s’attribuer ainsi le nom tabou du Dieu unique ne pouvait que mériter la lapidation. En effet, le grec « ego eimi »,[1] « Je Suis », fait clairement écho à l’hébreu « èHeÏèH », « Je Suis » : le nom sacré, sous lequel Dieu s’est révélé à Moïse. Car « YaHWeH », « Il est » est la même expression que « èHeÏèH », « Je Suis », mais à la troisième personne du singulier.

Rappelons-nous :

Dieu dit à Moïse : JE SUIS qui JE SUIS. Et il ajouta : c’est ainsi que tu répondras aux Israélites : JE SUIS [hébreu « èHeÏèH »] m’a envoyé vers vous. Dieu dit encore à Moïse : Tu parleras ainsi aux Israélites : Il est « YaHWeH »], le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob m’a envoyé vers vous. Voilà mon nom pour l’éternité, voilà comment je veux être invoqué de génération en génération.

Exode 3.14-15

Mais on sait que « YaHWeH »ne fut jamais en usage chez les Juifs et fut souvent remplacé, dans nos bibles chrétiennes, par « Jéhovah », « l’Éternel », « le Seigneur »

Le fait que Jésus affirme ne pas être de ce monde implique aussi qu’il vient de l’extérieur de notre Univers, d’un endroit traditionnellement appelé le Ciel par les croyants ; mais qui en toute logique se définirait bien mieux comme étant une dimension extérieure à notre dimension spatiotemporelle. Pour autant que l’on puisse en parler, c’est une dimension où le temps et l’espace semblent ne pas exister.[2]

En s’incarnant dans l’homme Jésus, le Fils de Dieu a donc quitté la dimension céleste – et pour nous mystérieuse – qui était la sienne, pour revêtir notre nature terrestre. Autrement dit, le Créateur a pris corps dans l’une de ses créatures.

Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Tout a été fait par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. 

Jean 1.1

En Jésus-Christ, Dieu est donc bien entré dans sa création ! Certes, on dit parfois qu’un artisan est présent dans son œuvre, un compositeur dans sa musique, un peintre dans ses toiles et un sculpteur dans ses statues… Et cela, on peut aussi le dire de Dieu, puisqu’il ne se révèle pas seulement dans sa Parole, mais aussi dans toute sa création  :

En effet, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient fort bien depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. 

Romains 1.20

Mais en Christ, Dieu fait encore un pas – de géant – en plus, puisque, tout en gardant sa nature divine, il devient l’une de ses créatures en s’incarnant en Jésus-Christ. Et s’il l’a fait, c’est afin que ceux qui croient en lui puissent un jour revêtir sa divinité.[3] Par sa mort et sa résurrection, Jésus permet à ses disciples de naître à une vie nouvelle qui en fait les membres d’une humanité nouvelle : d’où les expressions naître de nouveau et nouvelle naissance.

« Jésus répondit : En vérité, en vérité je te le dis, si un homme ne naît de nouveau – ne naît d’eau et d’Esprit – il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. »

Jean 3.3-6

En Christ, les croyants s’ouvrent alors à une dimension spirituelle qui les met en relation avec Dieu, leur donnant ainsi accès à des valeurs extratemporelles, appelées éternelles dans les Écritures. En effet, ne pouvant décrire la réalité de l’Univers divin avec leur langage humain, les auteurs bibliques sont, eux aussi, obligés d’user d’un vocabulaire approximatif, voire métaphorique en parlant du Ciel et de l’éternité. Toujours est-il qu’après leur mort, les croyants sont appelés à connaître une résurrection dans un corps glorieux, semblable à celui de Jésus après sa mort sur la Croix.

 Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, afin qu’il soit le premier-né d’un grand nombre de frères.

(Romains 8.29)

Bien que divergents, les divers témoignages, de ceux qui ont assisté aux apparitions du Christ après sa résurrection, nous sont rapportés dans les Évangiles et les Actes des Apôtres sans aucune volonté de normalisation. Et c’est très bien ainsi, car c’est le gage de leur authenticité ! Par contre, ces témoignages hésitants attestent, eux aussi, de la difficulté qu’ont éprouvée les croyants eux-mêmes pour décrire l’indicible : leurs Seigneur revenant avec les caractéristiques d’une autre dimension, impossible à inscrire dans leur quotidien.

Pourtant, vers la fin de son ministère terrestre, Jésus avait parlé un peu plus à ses disciples de ce qu’il est convenu d’appeler le Ciel.

Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père. Sinon, je vous l’aurais dit ; car je vais vous préparer une place. Donc, si je m’en vais et vous prépare une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi. Et où je vais, vous en savez le chemin. Thomas lui dit : Seigneur, nous ne savons où tu vas ; comment en saurions-nous le chemin ? Jésus lui dit : Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Et dès maintenant, vous le connaissez et vous l’avez vu. Philippe lui dit : Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit. Jésus lui dit : il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m’as pas connu, Philippe ! Celui qui m’a vu, a vu le Père. Comment dis-tu : Montre-nous le Père ? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Les paroles que je vous dis ne viennent pas de moi-même ; le Père, qui demeure en moi, accomplit ses œuvres. Croyez-moi, je suis dans le Père, et le Père est en moi. Sinon, croyez à cause de ces œuvres.

Jean 14.2-11

Oui, même pour les apôtres, il était impossible de connaître le seul chemin qui mène à la maison du Père – le Ciel – autrement qu’en plaçant leur foi en Jésus. Pas plus qu’il ne leur était possible de connaître le Père autrement qu’à travers la personne et l’œuvre du Seigneur Jésus. Il n’est donc pas étonnant qu’il en soit toujours de même pour nous aujourd’hui. Cela nous amène à considérer que la foi chrétienne ne repose pas directement sur une doctrine, encore moins sur des dogmes, mais sur une personne : Jésus-Christ ! Or, devant un homme qui se dit Dieu, il n’y a pas trente-six solutions ; il n’existe même que deux options possibles : soit il dit vrai, soit c’est un fou, à la fois mythomane et mégalomane ! Aussi, passant outre des préjugés raisonnables que nous pouvons cultiver, il n’existe finalement qu’un seul moyen de savoir si Jésus a dit vrai : c’est emprunter ce chemin pour vérifier qu’il conduit vraiment au Père. Or, celles et ceux qui ont relevé ce défi n’ont jamais été déçus.[4]


Notes

[1] Faut-il rappeler que, si le Nouveau Testament fut écrit en grec – « koïné » – par les disciples du Seigneur Jésus, celui-ci parlait en araméen : la langue vernaculaire en Palestine, depuis le retour de Juifs de l’exile à Babylone. Or l’araméen est très proche de l’hébreu, la langue toujours en usage pour la lecture des Textes bibliques. Il n’est donc pas inutile de se demander pourquoi les Juifs furent choqués en écoutant Jésus s’attribuer certaines expressions.

[2] Dans la mesure où le langage biblique fait écho au supposé Big Bang, l’espace et le temps ont eu un commencement et font partie de ce que la Genèse présente comme la création de Dieu : l’un des rares points qui, au stade de nos connaissances actuelles, rejoint un certain consensus scientifique. Encore qu’il existe diverses théories concurrentes pour expliquer la grande singularité quantique – ou Big Bang – et donc l’origine de notre Univers. Il convient donc de ne pas se montrer trop catégorique.

[3] D’une certaine façon, on pourrait en trouver une illustration dans l’histoire de Pinocchio. Le vieil ébéniste fabrique une marionnette de bois qui devient miraculeusement vivante, mais en restant tout de même en bois. Mais le vieil homme investit tant d’amour dans sa créature, qu’après être passé par la mort, le petit pantin ressuscite dans le corps d’un véritable garçon. Devenu semblable à son père, Pinocchio peut enfin entretenir avec Gepetto une relation qui n’est plus limitée par leur différence de nature.

[4] Mais attention ! Ce chemin, c’est bien Jésus-Christ et non de l’une ou l’autre dénomination chrétienne pratiquant un prosélytisme travesti en évangélisation : « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, vous qui parcourez mers et continents pour gagner un seul prosélyte, et, quand il l’est devenu, vous le rendez digne de la géhenne, deux fois plus que vous ! » (Matthieu 23.15) 


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